J’ai laissé tomber le dessin pour me consacrer entièrement au tatouage quand j’avais 14 ans. Mon premier contact avec ce monde surprenant s’est produit quand j’ai rencontré un type couvert de tatouages. Il y a vingt ans, cela voulait dire qu’il avait sans doute fait de la prison! Il avait effectivement appris à encrer en prison, et quand il m’a proposé de m’enseigner quelques astuces, j’ai sauté sur l’occasion.
Comme je voulais tout savoir sur les tatouages et sur la manière de les encrer, il commença par l’expliquer les bases en tatouant à l’aide d’un stylo Bic fondu avec des aiguilles insérées dans le tube. C’était ma première impression et j’ai tout de suite été mordu. Depuis, je n’ai pas cessé d’apprendre et de progresser dans l’art de la peau.
Quand j’étais plus jeune, je voyais les tatouages et les tatoueurs comme autant de symboles de rébellion contre la ‘normale’ et contre les préjudices. Dans le milieu d’où je suis issu, les gens ne comprenaient rien au tatouage et ils étaient plein d’idées préconçues ; moi, j’étais d’autant plus fier de montrer mon encre. Je rêvais d’ouvrir un atelier de tatouage, mais cela ne me semblait pas possible, faute d’argent. Je ne me doutais pas qu’avec le temps, le tatouage allait finir par être accepté par la société. Beaucoup de choses ont changé en vingt ans ; on valorise maintenant le tatouage comme un art à part entière.
Les tattoos me permettent aujourd’hui de voyager et de travailler avec ma passion. Je suis heureux de me réveiller tous les matins à l’idée de faire du tatouage et de relever chaque jour de nouveau défis. Après avoir passé des années à encrer dans plusieurs styles, j’ai commencé à mon concentrer sur mes sujets de prédilection : les portraits et le réalisme. Ce sont des avenues artistiques qui permettent un important degré d’expression et avec elles, il n’y a pas de limites à ce qu’on peut apprendre et améliorer sur le point de vue technique. Le réalisme me fascine parce qu’il va plus loin que le simple fait de reproduire la réalité. Je pense aussi qu’il serait très simpliste et complètement erroné d’assumer que le travail réaliste puisse reposer uniquement sur la seule mise en oeuvre de techniques.
Pour dire vrai, le réalisme utilise une bonne dose de technique, sans doute une des plus complexes, mais il faut aussi faire preuve de sensibilité et savoir interpréter les couleurs, l’énergie et les détails de son sujet. Chaque artiste fait appel à son expérience et à sa sensibilité pour reproduire des images, donnant au passage sa signature unique au tattoo. Plus nous portons d’intérêt au monde qui nous entoure, plus nous sommes capables de capturer l’essence des choses.
Naturellement l’artiste figuratif est toujours à la recherche de la perfection. C’est pourquoi nous nous réjouissons du résultat de nos efforts. Mais cette joie est souvent de courte durée : une fois que le travail est terminé, il nous semble déjà un peu dépassé. Cela nous motive pour repartir en quête d’un nouveau projet et d’une nouvelle occasion d’approcher la perfection que nous convoitons tant.
Ceux qui prétendent ne pas faire l’expérience de ce mécanisme singulier ont probablement cessé de se remettre en question et n’ont pas atteint leur plein potentiel. Dans mon cas, et dans le cas de beaucoup d’autres artistes dans notre profession, la poursuite de la perfection est un procédé sans fin. J’en suis toujours conscient, car aussi parfait qu’un tatouage réaliste puisse être, il n’est rien en comparaison à la réalité, du moins pour le moment…
J’organise la 2eme World Wide Conference à Chicago au mois d’avril 2012.